AM 506 – Statistique féodale du Haut-Pays – Tome 5

Coupelle-Neuve, Coupelle-Vieille, Fruges, Senlis

La localité frugeoise, agricole et commerçante, d’un aspect agréable et pittoresque, est bâtie en amphithéâtre entre deux chaînes de collines séparées par la Traxène, petite rivière qui prend sa source à Coupelle-Vieille et se perd dans la Lys à Lugy ; la gazette des Flandres déclarait en 1837 qu’elle était jadis très poissonneuse et que la liberté de la pêche et les divers établissements industriels établis depuis 1789 sur ses bords l’avaient dépeuplée. On a découvert dans ce bourg des tombes en pierre ou sous dalles vers 1870 et 1910 qu’on qualifia de gallo-romaines, mais qui sont sans doute plus tardives. Un cimetière mérovingien fut découvert « il y a longtemps » en haut de la côte entre Fruges et Coupelle-Neuve, au lieu-dit rue des morts, suivant les dires d’Auguste Terninck.

Au moyen-âge le territoire de Fruges et des deux Coupelle se situe probablement en grande partie dans la mouvance des sires de Coupelle, représentés par la dynastie des Gualo (XIIe et XIIIe siècles). Il faut attendre le XIVe siècle pour que Coupelle-Neuve soit différenciée de son aînée Coupelle-Vieille. Les actes mentionnent des personnages du nom de Fruges depuis la fin du XIIe jusqu’au début du XVe sans qu’il nous soit possible d’établir une généalogie de cette famille et même de connaître leurs éventuelles possessions dans le terroir dont ils portent le nom. Du 14e siècle au 15e siècle se succèdent à la tête de la seigneurie frugeoise les familles d’Olhain, de Willerval.

Le fief principal du bourg de Fruges ou vicomté de Fruges, relevant du comté de Saint-Pol, appartient depuis le début du 16e siècle à la maison du Bois de Fiennes ; elle englobe les seigneuries de Saint Piat et de Dumuson ; d’importants fiefs tels ceux de Roeupierre, de Gourguesson et de la Haye situés à Fruges en dépendent ; les seigneuries de Coupelle-Neuve et de Coupelle-Vieille connues sous le nom de seigneurie des « deux Coupelles », dépendant du bailliage de Saint-Omer, appartiennent au 16e à la famille de Croÿ de la branche des marquis de Renty. Guillaume de Croÿ, marquis de Renty, seigneur de Chièvres et des « deux Coupelles » meurt en 1556 dans son château de Renty ; de son épouse Anne de Renesse d’Elderen, citée dans le compte des centièmes de 1570 sous le nom de marquise douairière de Renty, il laisse une fille unique Anne de Croÿ, marquise de Renty et dame des « deux Coupelles ». Elle transmet ses fiefs seigneuriaux à son fils Charles-Philippe de Croÿ, duc d’Havré, qu’elle a eu de son second époux Philippe II de Croÿ comte de Solre. C’est la fille du duc d’Havré précité, Marie-Ferdinande de Croÿ décédée en 1683, qui fait entrer la seigneurie des deux Coupelles dans le patrimoine de la maison d’Egmont par son mariage avec Philippe II-Louis comte d’Egmont prince de Gavre. Une autre partie de Coupelle-Vieille appelée « seigneurie de Coupelle-Vieille » était entre les mains de la maison de Dion, grâce au mariage de Blanche de Lallaing dame de Wandonne et Coupelle-Vieille, décédée le 21/12/1537 à Dion-le-Val (duché de Brabant) avec Philippe de Dion, chevalier seigneur dudit lieu et Rombes-le-Vieil ; elle appartint à cette famille jusqu’à la révolution ; elle relevait du comté de Saint-Pol.

La nomination à la cure de Fruges était réservée aux dames religieuses de l’abbaye d’Etrun qui possédait l’autel avec toutes ses dépendances d’après une charte du 9 Novembre 1119 de reconnaissance accordée par le pape Calixte II et confirmée en 1142 par le pape Innocent II. Elles y avaient une maison seigneuriale dite « la seigneurie des dames d’Etrun ». La paroisse de Fruges, sous le vocable de Saint-Bertulphe appartenait au doyenné de Bomy avec deux vicaires dont l’un portait le nom de vicaire ou de chapelain de Coupelle-Neuve et l’autre desservait en particulier la chapelle du hameau d’Herbecques. L’ancienne église Saint-Bertulphe de Fruges, qui avait été pillée par les français pendant le siège d’Hesdin de 1537, fut débâtie en 1865 pour faire place à une nouvelle église. Disposée à l’emplacement de l’édifice actuel, elle présentait une tour haute et massive à contreforts disposés perpendiculairement l’un par rapport à l’autre ; elle était entièrement en pierre et couverte d’ardoise.
Une première chapelle à Coupelle-Neuve fut érigée en 1606 grâce à l’autorisation donnée par les archiducs d’Autriche de prélever une somme de 700 livres sur la taille des habitants pour parvenir à cette construction. Elle était dépourvue de clocher et était couverte de chaume. L’église Saint-Antoine de Coupelle-Neuve, très exigüe, datant au moins du 18e est probablement issue d’une transformation de cette ancienne chapelle. Une cloche de ce hameau répondant au nom de « Marie-Antoinette » et refondue fut bénite le 14 Novembre 1704 par le curé de Fruges accompagné par ses deux vicaires, ayant pour parrain Nicolas Brebion, lieutenant dudit Coupelle, et pour marraine Marie-Antoinette Limozin épouse de Pierre Wasseur, demeurant audit lieu. Trente cinq ans plus tard, une cloche de Coupelle-Neuve, sous le vocable de la Sainte Vierge Marie, fut bénie par le curé de Fruges Ébrard, avec pour parrain André Cousin, lieutenant général des Coupelles, et pour marraine Marie-Thérèse Pruvost. Un vicaire résidait dans cette petite localité et y faisait l’école aux enfants de la paroisse. Pendant la révolution, le notaire Courtois vint inspecter l’église avec une bande de forcenés; elle était fermée, les clefs étant déposées chez le sieur Prévost, un fermier de l’endroit. Les jacobins se rendirent chez le fermier et le sommèrent avec menaces de leur ouvrir l’église; il obéit plus mort que vif et vit profaner devant lui le sanctuaire : statues brisées, tabernacle forcé par ledit Courtois qui saisit l’hostie et la foula aux pieds.

L’église Saint-Thomas-de-Cantorbéry de Coupelle-Vieille fut brûlée et ruinée en 1553 par les troupes du maréchal Jacques d’Albon seigneur de Saint-André. Sur la planche de l’album de Croy où est représenté le village en 1613, l’église tout en pierre et couverte d’ardoise, présente une tour sur plan carré ; le chœur est plus élevé et plus large que la nef. On peut encore admirer de nos jours ce chœur à demi-gothique qui seul semble avoir subsisté de cette époque. La cure dépendait du doyenné de Bomy, à la nomination de l’abbé de Saint-Jean-au-Mont-Lès-Thérouanne.

Le bourg de Fruges connaît une prospérité sans précédent au cours du 18e siècle dû au développement du petit commerce et de l’artisanat (bas, filature, cuir et pipes); on passe de 800 habitants environ vers 1725 à près de 3000 quand commence la révolution; les progrès de l’économie frugeoise sont liés au développement de l’industrie textile; cela entraîna un développement de l’espace bâti essentiellement vers l’ouest, vers Fort-Durietz et Coupelle; de nouvelles voies de communication apparurent; l’ouverture de la route royale d’Abbeville à Saint-Omer vers 1780 facilita la desserte de la petite ville par les diligences.

Le hameau de Coupelle-Neuve appartient à cette époque à la paroisse de Fruges ; il devient municipalité indépendante en 1790 et est érigé en paroisse avec Avondance pour annexe à partir de 1801.
Le lecteur intéressé par le passé de Fruges trouvera dans un ouvrage intitulé « pour l’histoire de Fruges et d’ailleurs » publié en 1993 par le Comité d’histoire du Haut-Pays, quantité de renseignements précieux sur cette commune. Cette importante étude renferme l’essentiel des articles dont son auteur, Paul Coquempot, alimenta le bulletin historique du Haut-Pays pendant près de vingt années.

La terre de Senlis relevait de la châtellenie de Lisbourg et donc du comté de Saint-Pol. Elle a donné son nom à une famille chevaleresque connue dès le 12e. En novembre 1203 Gilles seigneur de Senlis donna une dîme sur sa terre à l’abbaye de Saint-Silvin d’Auchy-lès-Moines, laquelle donation fut ratifiée par Lambert évêque de Thérouanne. Les derniers représentants du nom vendirent la seigneurie principale le 28 février 1600 au prix principal de 3100 livres à Jean de Tramecourt agissant au nom de son fils Pierre de Tramecourt. Ses descendants la possédaient encore en 1789.
Outre la seigneurie de Senlis proprement dite, d’autres importantes seigneuries s’étendaient sur le territoire de Senlis: celles du Wast et de Doncoeur qui entrèrent au XVIIe siècle dans le patrimoine de la famille de Tramecourt; celle d’Englos qui appartenait à la famille Dausques et parvint à la maison de Wandonne, de Verchin, par héritage.

La remarquable petite église de Senlis du XIIIe siècle, sous le vocable de Notre-Dame, était avant la révolution une annexe d’Hézecques, à la collation des doyens de Boulogne et d’Ypres. Elle appartenait au doyenné de Bomy. Son porche Sud extérieur est semblable à une chapelle avec un dôme à nervures du XIVe siècle; il porte une date qu’on peut lire 1619. On peut admirer également les belles voûtes d’ogives de la nef et du choeur.

Une table des fiefs étudiés et un index des principaux patronymes clôturent ce cinquième tome de statistique féodale consacré au Haut-Pays. Cet ouvrage de 239 pages, avec son dos carré collé, comprend plusieurs illustrations en couleur.

239 pages

Publié sous la référence AM 506

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