Testaments reçus par les notaires d’HUCQUELIERS (Pas-de-Calais), Roboam Miellet de 1678 à 1710, François Pillain de 1689 à 1698, et Antoine Gaignard de 1701 à 1710, avec commentaires généalogiques.
Pour la période étudiée, c’est-à-dire la fin du 17e siècle et les premières années du 18e, les testaments sont libellés sur un type uniforme.
Bien que le plus souvent rédigé par un notaire, secondé par deux témoins, le testament répond dans une première partie à des préoccupations d’ordre spirituel. Le testateur assure vouloir mourir dans la religion catholique, car de nombreux foyers de la religion réformée persistent autour d’Hucqueliers en 1697 à Bourthes (Desmaret), à Clenleu (familles Lendé, Haudiquet), à Maninghem-au-Mont (Quéhen). Ne voulant pas mourir ab intestat, immobilisé par la maladie, il dicte ses dispositions, révélant son identité, ses qualités et même parfois son âge.
Le notaire Miellet indique presque systématiquement le type de maladie que l’on juge mortelle et qui oblige le testateur encore sain d’esprit et d’entendement à faire rédiger ses dernières volontés. Les malades sont le plus souvent victime d’une fièvre intense ; certains souffrent d’une oppression d’estomac, d’autres d’hydropisie, de pleurésie, fluxion de poitrine, de rhumatismes. Jean Waguet, bailli d’Estreuil est victime d’une rétention d’urine, Jacques Tricquet d’une descente de boyaux ; en 1693 Louis Regnault est atteint d’un chancre dans la bouche, aussi peut-il à peine parler. On rédige également des testaments mutuels, l’un des deux époux étant fort malade, l’autre conjoint en profite pour égrener ses dernières volontés ; certains sont encore sains de corps mais très âgés, le terme employé est caduque.
Ensuite viennent ses volontés concernant le lieu de sépulture, les trois services obligatoires celui d’enterrement, d’octave et du bout de l’an. Parfois le testateur demande qu’ils soient chantés et célébrés le même jour. Puis viennent les legs pieux aux « pourchas » ou platelets de l’église, petits plats utilisés pour la quête, en général quelques sols pour chaque pourchas. Un annuel de messes basses célébrées est souvent réclamé, à raison d’une messe par semaine. Dans la plupart des testaments, les dons pieux supplémentaires sont laissés à la dévotion ou discrétion des légataires.
Parfois il y a fondation d’un obit c’est à dire une messe
célébrée à perpétuité une fois l’an, le jour du décès du testateur si cela se peut ; la rétribution est assurée par la constitution d’une rente non rachetable assignée sur un bien immobilier ou simplement par une donation de ce bien à la fabrique de la paroisse qui pourra en utiliser le revenu pour payer le curé ou le prêtre qui célébrera l’office pour le repos de l’âme du testateur. Les curés des paroisses de la région d’Hucqueliers font souvent de nombreux legs à des couvents, à leur église, et demandent la célébration de nombreuses messes dans plusieurs paroisses.
Marc Le Queutre, curé de Zoteux, se distingue en 1708 par les nombreuses largesses qu’il accorde à son église (1000 livres) et par les 350 messes basses qu’il réclame. On se retrouve aussi dans le même cas de figure chez Nicolas Baillon et son épouse en 1706 qui demandent des messes dans toutes les paroisses de la ville de Montreuil, font de nombreux dons à des confréries, et créent diverses fondations.
La seconde partie du testament concerne la destination des biens temporels. Les donateurs suivent en général la coutume du Boulonnais par laquelle les biens propres ou patrimoniaux reviennent en totalité à l’aîné mâle de la famille.
Parfois on y ajoute quelques biens acquis durant l’union des époux (conquêts) qui sont annexés au domaine constitué par le testateur. Cependant pour ne pas totalement désavantager les enfants puînés on leur accorde le revenu de trois années des biens immobiliers échus à l’aîné immédiatement après le décès du testateur ou du dernier survivant du couple, ainsi que la presque totalité des biens de nature mobilière dans lesquels sont inclus les acquêts (souvent des biens acquis avant le mariage) et les conquêts. Cependant l’aîné de la famille fait souvent partie de la cavalerie boulonnaise réputée à l’époque, aussi retire-t-on des biens mobiliers à son profit un cheval tout équipé, l’épée et le pistolet ; en effet chaque manoir, ayant labour d’une charrue ½ est marqué par un cavalier ou dragon ; un manoir n’ayant qu’une charrue reçoit un aide, et ceux au-dessous fournissent un fantassin. Les puînés sont déclarés légataires universels et à ce titre sont chargés de régler toutes les dettes du testateur appelées dettes passives, de payer les legs et dons pieux, ses obsèques et funérailles.
Parfois le testateur n’ayant pas d’héritier direct et ne possédant que des biens mobiliers, les distribue avec luxe détails à ses frères et sœurs, neveux, nièces et filleuls ou filleules, tel est le cas de Françoise Ternas, d’Ergny en 1694.
Dans la plupart de ces actes un exécuteur testamentaire est désigné. Il s’agit d’un proche parent, d’un voisin ou bon ami ou parfois même le curé de la paroisse voisine. Dans le testament de Jeanne de La Motte en 1691, c’est le mari, Charles Crespin sieur de la Boulloye qui est choisi. Il doit veiller à ce que le testament sorte son plein et entier effet.
Tous les testaments, et ce n’est pas une spécificité boulonnaise, contiennent une clause par laquelle le testateur se réserve la faculté de iceluy testament présent augmenter, diminuer, changer et annuler en totalité ou partie par codicille annexé ou autrement. Cette clause est souvent utilisée lorsque l’héritier principal décède sans hoirs légitimes. Parfois un nouvel acte est rédigé quand le principal héritier s’est marié ; car le contrat de mariage a modifié les conditions de succession des parents ; c’est ainsi que Nicolas Vaillant, maréchal-ferrant à Humbert, et sa femme Anne Seguin rédigent en 1703 puis en 1704 un testament mutuel car entre temps leur fils aîné Pierre s’est marié.
Tout testament est lu par le notaire et parfois relu ; le testateur déclare qu’il l’a bien entendu et persiste dans ces déclarations. Parfois il fait ajouter une précision concernant un legs mal explicité ou un nouveau legs en général de peu d’importance. La plupart des testatrices ne savent pas écrire et apposent leur marque ; quant aux hommes, ils signent parfois avec difficulté étant donné leur état de santé fort déficient.
Il est parfois question du quint datif et du quint naturel concernant les héritages féodaux et patrimoniaux, lors des dispositions testamentaires. La coutume 88 du comté de Boulonnais, commentée par Antoine Le Roy de Lozembrune, président de la sénéchaussée du Boulonnais, publiée dans le tome second du coutumier de Picardie à Paris en 1726, nous en donne une explication détaillée.
Avant la révolution, tout office ministériel était vénal. Les notaires en particulier, propriétaires de leurs charges, les cédaient dans des conditions déterminées. Ainsi Marie Scotté veuve d’un notaire d’Hucqueliers, maître Charles Rembert, tutrice de ses enfants mineurs, ayant ainsi passé à Louis Pillain, praticien à Boulogne, l’étude de feu son mari, la formule de cession, en date du 28 janvier 1685 mentionna le fait en ces termes habiles « Pour par elle subvenir aux nourritures, alimens et entretenemens de ses enfans mineurs et faire en sorte de les faire subsister dans leur minorité, à quoy ladite damoiselle a déclaré estre dans l’impuissance de concourir de son chef que par le seul et unique moyen de par elle vendre toutes et unes chacunes les nottes et minuttes de notaire, desquelles elle estoit demeurée garnye ; elle arrenta l’office moyennant la somme de 200 livres payées comptant et une fois pour toutes. Acte passé devant Antoine Molmye, notaire à Desvres en la présence de Jean Boullenois, marchand d’habits, et P. Lefebvre, clerc en pratique y demeurant.
Louis Pillain exerça peu de temps (1686-1687) ; il démissionna et fut remplacé par François Pillain son frère aîné, qui reçut les provisions de l’office de notaire royal résidant en la sénéchaussée du Boulonnais par lettres données à Versailles le 10 mai 1688.
Une autre étude de l’office notarial d’Hucqueliers échut à Me Antoine Gaignard, praticien, né le 13 février 1671, suivant des lettres données à Versailles le 19 février 1699 en remplacement de Me Nicolas Vidor, décédé ; Antoine Gaignard fut reçu en la sénéchaussée le 27 juillet 1699 ; nous disposons des minutes d’Antoine Gaignard depuis le 23 octobre 1699 jusqu’au 30 juillet 1736.
La 3e étude est occupée par Me Roboam Miellet depuis 1676, mais nous ignorons à quel notaire il a bien pu succéder.
Suivant une attestation du 5 juin 1753, les hommes féodaux, syndic et principaux habitants du bourg d’Hucqueliers certifièrent qu’il y avait de temps immémorial trois notaires. Pour la période qui nous intéresse, nous connaissons les minutes de Me Roboam Miellet, celles de Me François Pillain et celles de Me Antoine Gaignard.
Les principales localités concernées par ces testaments, outre Hucqueliers, sont : Aix-en-Ergny, Aix-en-Issart, Alette, Avesnes, Beussent, Bezinghem, Bimont, Bourthes, Campagne-lès-Boulonnais, Clenleu, Cormont, Desvres, Enquin, Ergny, Herly, Hubersent, Humbert, Inxent, Longvilliers, Maninghem-au-Mont, Montreuil, Parenty, Preures, Quilen, Recques-sur-Course, Rumilly, Saint-Denoeux, Saint-Michel-sous-Bois, Sempy,Thiembronne, Verchocq, Wicquinghem, Zoteux.
Nous avons consacré une petite notice généalogique pour près de la moitié des familles des testateurs ou testatrices que le lecteur pourra trouver en note de bas de page.
L’ouvrage est clôturé par une table des testateurs et testatrices, un index des principaux patronymes, un index locorum, et un index des prêtres intervenant dans ces actes.
Ouvrage publié sous la référence AM 463