Auteur précoce, Christian Settipani a fait une entrée fracassante dans le monde des généalogistes au milieu des années 80. Ses travaux érudits et éclectiques sur les familles de l’Antiquité jusqu’à l’an mil (parmi lesquels « Nos ancêtres de l’antiquité », éclectiques sur les familles de l’Antiquité jusqu’à l’an mil (parmi lesquels « Nos ancêtres de l’antiquité », « Les ancêtres de Charlemagne » ou encore « La Préhistoire des Capétiens ») sont depuis lors devenus des références incontournables tant pour les mil (parmi lesquels « Nos ancêtres de l’antiquité », « Les ancêtres de Charlemagne » ou encore « La Préhistoire des Capétiens ») sont depuis lors devenus des références incontournables tant pour les historiens chevronnés que pour le grand public, et cela bien au-delà des frontières françaises.
Une froide journée de décembre… Je me rends en lointaine banlieue parisienne pour rencontrer Christian Settipani, généalogiste et historien des « siècles obscurs ». Je suis impatient de rencontrer celui dont nul généalogiste travaillant sur les familles du Moyen Âge ne peut ignorer les travaux …
Bonjour Christian, première question pour satisfaire ma curiosité et celle de nombreux lecteurs, comment tombe-t-on dans le chaudron de la généalogie des « siècles obscurs » ?
Tout simplement en recevant comme cadeau « L’Iliade et l’Odyssée » quand on est jeune. J’ai cherché à développer les généalogies qui s’y trouvent et, en descendant de proche en proche, je suis arrivé aux « siècles obscurs »…
Comme leur nom l’indique, les « siècles obscurs » pâtissent du manque criant de sources pour reconstruire en profondeur et en largeur les filiations de cette époque. Comment faites-vous pour surmonter cet obstacle ?
Ce n’est pas forcément un obstacle. Il y a peu de sources mais elles existent. Quand il y a un grand nombre de sources il faut les trier, c’est une difficulté en soi. Alors que lorsqu’il y en a beaucoup moins, on apprend très vite à en extraire tout le jus et la moindre parcelle d’information, c’est cela le métier de l’historien.
Un chercheur travaillant sur ces périodes travaille finalement davantage à partir de chroniques rédigées par des acteurs ou spectateurs de l’histoire que sur des actes légaux ou commerciaux comme le fait le généalogiste traditionnel. De plus, les sources ne sont pas nombreuses pour les périodes les plus anciennes. Dès lors, comment faites-vous pour évaluer la fiabilité d’une source ?
Contrairement à ce que vous dites, il y a aussi des actes du quotidien pour les périodes obscures, inscriptions ou morceaux de tesson comportant des actes notariés. Quant aux sources littéraires, elles sont certes rédigées le plus souvent tardivement par rapport aux évènements qu’elles décrivent, mais encore une fois c’est le métier de l’historien de distinguer dans ces sources ce qui est peut être retenu ou pas. C’est un travail très long, qui s’étend sur plusieurs siècles, où l’on compare ces sources à tout ce que l’on connaît déjà sur ces périodes, pas simplement sur le plan généalogique mais aussi sur les plans culturel ou social, pour voir si ce que ces sources racontent est fiable ou ne l’est pas.
Pour vous donner un exemple, on a mis des siècles à savoir si ce que racontait Homère dans « l’Iliade et l’Odyssée » correspondait ou pas à ce que pouvait être la vie à l’époque mycénienne qu’il était censé décrire. Globalement non, mais un petit peu quand même. Pour continuer avec l’exemple de « l’Iliade », c’est un récit mythologique peuplé de généalogies. Depuis 1800, on pensait que ce n’était que des fadaises. Mais aujourd’hui on est beaucoup plus prudent: on a montré que la ville de Troie existait bien, on a retrouvé des textes hittites qui décrivent les tensions dans la région à cette période avec un roi de Troie de l’époque qui s’appelait Alexandre, tout comme: Alexandre Paris dans « l’Iliade ». Dans « l’Iliade » aussi il y a des choses qui peuvent être gardées même si tous les héros ne sont pas authentiques. C’est le travail de l’historien de prendre tous les textes à sa disposition, y compris les poèmes épiques, et de les confronter aux autres sources pour voir si quelque chose peut en être retenu ou pas.
Peut-on définir un moment à partir duquel un faisceau d’indices permet une conclusion, ou doit-on se résigner aux limites de « l’intime conviction »? La généalogie doit-elle aussi être la recherche créative de solutions et d’hypothèses ?
Les recherches sont une intime conviction ! Je lis des critiques qui disent « ce n’est sûr parce que l’on n’a pas suffisamment d’indices ». En réalité, quand on ne fait que cela pendant des dizaines d’années, qu’on est confronté aux recherches universitaires, on arrive à obtenir une intime conviction, même si elle ne remplacera jamais une preuve. Une intime conviction n’est pas non plus synonyme de précision, elle concerne plus souvent une parenté plutôt qu’une filiation précise.
Je me définirai comme quelqu’un d’assez conservateur en généalogie contrairement à ma réputation: je suis très attaché à ce qu’ont fait mes prédécesseurs et considèrent qu’ils ont bien réfléchi aux questions. Je n’imagine pas des choses complètement farfelues ou complètement novatrices. Mais même comme cela, il est tout de même possible de faire des progrès et aller au-delà de ce qui a été prouvé sans chercher des solutions fantaisistes. Simplement, en tenant compte de toutes les sources possibles qui sont à disposition, ce que n’ont pas toujours fait les gens qui nous ont précédé, et surtout en surmontant les barrières créées entre certaines époques ou domaines de recherches (médiévistes/antiquisants, Gaule/Espagne). Il faut être capable de lire aussi bien des sources médiévales que des sources antiques, de connaître aussi bien l’histoire hispanique que mérovingienne, cela permet de franchir les frontières sans révolutionner ce qui a déjà été fait de part et d’autre de celles-ci.
Y a-t-il selon vous des « qualités » qui font un « bon » généalogiste? Et le généalogiste d’avant l’an mil utilise-t-il les mêmes méthodes que le généalogiste des registres paroissiaux et fonds notariés ?
Des qualités non, il s’agit juste d’une question de formation. Il y a trop souvent des gens qui n’ont pas la formation historique nécessaire et qui se piquent de généalogie. Mais s’ils prennent le temps de se former, ils peuvent devenir de bons chercheurs. Il y a aussi des historiens confirmés qui ne prennent parfois pas le temps lorsqu’ils rédigent les parties généalogiques de leurs travaux. Ce n’est pas là un problème de formation ou de compétences mais plutôt un manque d’intérêt pour une discipline jugée parfois secondaire. Pourtant, la généalogie joue un rôle dans l’établissement de chronologies, dans l’établissement de certains faits sociaux. Elle ne doit pas être plus méprisée que n’importe quelle autre composante de l’histoire.
Et pour répondre à la deuxième partie de votre question, non, le généalogiste d’avant l’an mil n’utilise pas les mêmes méthodes, car ce ne sont pas les mêmes sources, et pas les mêmes langues le plus souvent.
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